Zones de turbulence, Mariame (3)
Je travaillerai désormais et subviendrai aux besoins de ma mère qui en avait assez fait, par contre, je tenais à ce que mes sœurs restent scolarisées.
Une fois sur place, une bien désagréable infirmière nous toisa de haut en bas d’un air bien méprisant avant de nous demander nonchalamment, en prenant tout son temps, comme si elle ne réalisait pas l’urgence de la situation, quel était le nom du médecin traitant qui suivait la grossesse de ma mère. Monsieur Badiane, impatient et un brin énervé se tourna vers moi dans l’attente d’une réponse, mais j’expliquais poliment et rapidement à la jeune femme que ma mère ne s’était pas faite suivre durant toute sa grossesse. Elle ne se priva pas de nous sermonner en nous disant que nous aurions dû être plus prévoyants et venir quelques jours avant pour éviter ce qui nous arrivait actuellement car toutes les chambres étaient occupées et qu’aucun médecin n’était de garde. Monsieur Badiane insista mais c’était niet. Pris d’une grande colère, il déversa sur elle tout son mépris et lui dit qu’elle n’avait pas de cœur. Toute cette colère ne l’ébranla pas une seule seconde et elle ne se redressa même pas pour regarder l’état dans lequel se trouvait ma mère, qui allait accoucher d’un instant à l’autre. Non, elle ne lui porta pas la moindre attention et se contenta de poursuivre son activité de classement de fiches des patients en nous indiquant que nous ferions mieux de nous rendre dans une autre clinique qui ne se trouvait pas très loin avant que ma mère n’accouche. Je me retins bien de l’insulter mais j’étais vraiment en colère et mes larmes commençaient maintenant à couler sans que je ne puisse les retenir. Je ne lui pardonnerai jamais s’il arrivait quelque chose à ma mère ! Nous chasser ainsi comme des malpropres sans aide et sans aucun égard ? Elle ne levait même pas le petit doigt et n’interpellait personne dans son service, elle ne faisait aucun effort et ne tentait même pas de trouver une solution. - Avait elle vu l’état de ma mère ? - Avait elle vu le les expressions de douleur sur son visage ? - Avait elle vu la taille de son ventre ? - Avait elle remarqué ses difficultés à se mouvoir ? Je n’eus aucune attention pour elle à part un regard très méprisant qui en disait long sur ma colère, je me précipitais vers la sortie avec ma mère qui s’affaiblissait, je commençais à m’inquiéter sérieusement ! - Allait on faire ainsi le tour des hôpitaux pour trouver une place libre ? - Ma mère allait elle tenir jusque là ? Toutes ces questions se bousculaient dans ma tête alors que je refusais de céder à la peur et au désespoir, j’implorais intérieurement Dieu et nous courrions maintenant vers la voiture avec monsieur Badiane alors qu’un médecin accourait vers nous. LE MEDECIN, hors de lui, en désignant le centre hospitalier du doigt: Mais que faites vous ? Avez vous conscience de l’état de cette femme ? Vous devriez être en salle d’opération en ce moment ! MONSIEUR BADIANE explosant de colère : Comment pourrions nous être en salle d’opération alors que votre sage femme vous a clairement chassés en nous expliquant qu’il n’y avait pas de place ici? Ecoutez, ne nous faites pas perdre du temps car nous devons trouver un hôpital et cette femme s’affaiblit ! Le médecin ne répondit même pas et demanda à monsieur Badiane de l’aider à porter ma mère qu’ils transportèrent à nouveau dans le centre. Tout à coup une lueur d’espoir naissait en moi. Nous nous introduisions à nouveau dans le centre sous le regard terrifié et ahuri de l’infirmière qui ne s’attendait pas à voir son supérieur revenir de sitôt, ce dernier ne s’occupa même pas d’elle car le temps n’était pas aux reproches inutiles qui nous feraient davantage perdre de temps mais aux actes. Il installa ma mère sur un brancard, tira une sonnette d’alarme et deux sage femmes accoururent, ils se précipitaient maintenant vers le bloc opératoire pendant que le médecin posait des questions à ma mère sur ses sensations et sur la durée de sa grossesse. Je ne relâchais pas la main de ma mère que je n’abandonnais pas une seule seconde. Arrivés devant le bloc, le médecin nous demanda de nous éloigner et de patienter dans la salle d’attente. Le temps me sembla passer si lentement, je comptais chaque seconde depuis son entrée dans le bloc opératoire, tout en arrêtant pas d’invoquer mon Seigneur, je tentais de rester sereine et calme. Monsieur Badiane quant à lui tentait de me rassurer en me répétant que tout se passera bien. J’étais tellement absorbée par mes pensées et concentrée dans mes prières que je ne notais pas l’anxiété qui marquait le visage de mon professeur. Quelques temps après, des cris de bébé retentirent et me sortirent de ma méditation, je souris et courais vers la porte du bloc, attendant impatiemment la sortie du médecin. Quelques minutes plus tard, il sortit avec un sourire aux lèvres. LE MEDECIN : C’est un beau garçon ! Mon instit accouru immédiatement et s’enquit de l’état de ma mère LE MEDECIN, s’essuyant son front en sueurs : Elle s’en est vraiment tirée de justesse par la grâce de Dieu et elle va bien, nous avons par contre dû lui faire une césarienne comme elle s’était considérablement affaiblie. Sant lenne Yalla bou bakh car elle n’aurait peut être pas tenu si elle se rendait à un autre hôpital. Elle était vraiment à bout de force et chaque seconde nous était comptée. Elle se repose actuellement et tous ses signes vitaux sont opérationnels. Je vais la garder à l’hôpital afin de l’observer mais vous n’avez pas de soucis à vous faire car l’opération s’est bien déroulée. Je souriais et remerciais intérieurement et intensément Dieu. - Merci d’avoir sauvée ma mère - Merci d’avoir sauvé ma vie - Merci d’avoir sauvé mon cœur, celle pour qui je me bats jours et nuits Je remerciais également le médecin et lui souhaitait pleins de bonnes choses, je lui demandais si je pouvais rester au chevet de ma très chère mère, ce qu’il accepta avec un grand sourire attendrissant. Je me retournais et remerciais très chaleureusement monsieur Badiane qui souriait tout en me demandant de bien m’occuper de ma mère et de ne revenir en cours que si je sentais qu’elle allait mieux, il me promit également de venir lui rendre visite demain. Je l’accompagnais vers la sortie et lorsqu’il partit je composait le numéro du portable de ma mère qui était resté chez nous et j’informais mes sœurs de la bonne nouvelle tout en leur expliquant que je passerai la nuit avec notre mère, je leur demandais également de rester prudentes et de bien veiller sur la maison, je leur donnais quelques consignes à respecter tout en leur promettant de leur rendre visite demain. Je me dirigeais vers l’accueil du dispensaire et aperçus le médecin en rage qui demandait à l’infirmière pourquoi elle ne s’était pas occupée convenablement de ma mère, tout en lui rappelant que ce n’était pas la première fois qu’elle avait ce genre de comportement désobligent et contraire à ses fonctions d’infirmière qui devait avant tout assister le malade. L’infirmière ouvrit sa bouche pour lui répondre mais le médecin , bouillonnant de colère la coupa net et lui confirma qu’elle n’avait pas les qualités humaines nécessaires pour exercer ce métier, il lui demanda alors d’un ton très autoritaire qui ne laissait pas place à la négociation de vite rassembler ses affaires et de quitter les lieux avant qu’il ne revienne car il ne voulait pas de « personnes sans compassion » dans son établissement. Je ne prêtais même pas attention au visage larmoyant et suppliant de cette dernière qui, quelques temps avant abusait de son pouvoir face à notre situation de faiblesse. Elle qui arborait du dédain semblait maintenant bien mal en point. A ce moment même je déplorais la gestion des deniers publiques et blâmais l’Etat du fait du manque d’hôpitaux, du manque d’équipement… Combien de femmes ont pu perdre la vie à cause d’un système dont elles étaient finalement les victimes ? Y avait il un réel système d’assistance dans ce pays où finalement les écarts entre les riches et les pauvres se creusaient de jour en jour, où le gaspillage et le manque de sens des priorités gangrenaient la société et où nous, gens modestes et représentant une part non négligeable de la population, souffrions du manque d’infrastructures adaptées à nos besoins et subissions souvent le mépris de ces personnes à l’instar de cette infirmière sans cœur ? Je me dirigeais maintenant vers la salle d’attente et réfléchissais à notre avenir ainsi qu’à la situation dans laquelle nous nous trouvions actuellement : - Je devais appeler mon père pour l’informer de la naissance de mon frère bien que je lui en voulais terriblement d’avoir été aussi négligeant - La famille s’élargissait et ma mère aurait besoin de plus d’aide pour subvenir à nos besoins - Ma mère avait actuellement besoin de repos et elle devra par la suite s’occuper de mon petit frère, il faudra que je la remplace au marché Dés aujourd’hui je décidais de suspendre momentanément mes chères études pour aider ma mère en tant qu’aînée de la fratrie. Je travaillerai désormais et subviendrai aux besoins de ma mère qui en avait assez fait, par contre, je tenais à ce que mes sœurs restent scolarisées.